Modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles

Modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles

Cidefe-Normandie

 

Modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles

Intervention à Rouen de Didier Nicolini, Collaborateur du groupe CRC au Sénat

 

Permettez-moi tout d’abord que je commence mon intervention par une information sur la procédure parlementaire en cours sur ce projet de loi.

Le texte sur la modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles n’est pas encore définitivement adopté.

Après une deuxième lecture au Sénat, il doit retourner devant l’assemblée nationale.

Ce serait pour le 10 décembre.

Nous n’avons aucun doute sur le fait que l’assemblée, modifiera le texte du sénat.

Il y aura donc, à la mi-décembre, une Commission Mixte Paritaire, qui réuni 7 députés et 7 sénateurs, pour tenter de trouver un accord sur un texte commun.

Mais il n’est pas sûr qu’ils y parviennent, car il existe tout de même des divergences entre les deux chambres, tout particulièrement sur la place, le rôle et le fonctionnement des  Conférences territoriales de l’action publique.

Cependant il faut savoir que d’ores et déjà 11 articles ont été définitivement supprimés et 45 autres ont été adoptés.

En effet sur l’essentiel des mesures portées par ce texte gouvernemental, une majorité politique s’est constituée, dépassant les partis de la majorité gouvernementale. En effet si nous avons voté contre, certains sénateurs centristes et même UMP ont voté pour, tandis que l’immense majorité de ces derniers s’abstenaient pour faire passer ce projet.

Il faut dire que ce texte marche dans les traces de la loi de 2010, que nous avions combattus et va plus loin encore dans la mise en concurrence des territoires, en organisant le choc des territoires.

Il s’agit en fait d’une loi réorganisant complètement l’action publique, c’est-à-dire ses structures et ses procédures, pour parvenir à la maitrise et à la réduction de la dépense publique et répondre ainsi aux injonctions de la commission de Bruxelles.

Plus perceptible encore dans les prochains textes annoncés, en particulier le prochain sur  » les régions « ,  l’Etat décide de se désengager de nombreuses compétences.

Cette territorialisation de l’action publique, mis en œuvre avec ces textes, verrait le pouvoir central ne plus être en capacité d’intervenir dans de nombreux domaines, tout particulièrement en matière de développement économique, ce qui a pour conséquence de ne plus fixer comme objectif à l’action publique, l’aménagement équilibré et harmonieux de nos territoires.

Mais sans attendre ce deuxième texte, les bases nouvelles de ce désengagement, et de cette territorialisation, se trouvent présentes dès le premier, par le biais d’un simple article, l’article 2 du projet, créant un nouvel article au Code Général des Collectivités territoriales : l’article L.1111-8.

En effet celui-ci prévoit que dorénavant l’Etat peut transférer par délégation, à toute collectivité territoriale, qui en fera la demande, des compétences qui sont de son ressort.

Par ce biais, les politiques publiques, y compris nationales pourront ne plus être mise en œuvre de la même façon à Brest, à Paris, à Toulouse ou à Rouen.

Par ailleurs, dès ce premier texte, il organise le désengagement de l’Etat dans la gestion des fonds européens en les transférant aux régions.

Dans le même temps où il organise cette territorialisation de l’action publique, le gouvernement crée aussi les conditions d’un plus grand encadrement de l’action des collectivités territoriales.

Il instaure, en effet, un ensemble de procédures visant à mettre chacune d’entres elles, sous le contrôle des autres, et fixe le cadre régional comme étant périmètre de ces procédures d’encadrement.

C’est ainsi que le gouvernement souhaite mettre en place les conférences territoriales de l’action publique élaborant des schémas régionaux, prescriptifs, s’imposant à toutes les collectivités territoriales, dans les différents secteurs partagés de l’action publique locale.

C’est  d’ailleurs un point de désaccord entre les sénateurs et les députés.

Ces derniers souhaitent, avec le gouvernement, que ces conférences territoriales et les schémas qu’elles mettraient en place s’imposent aux départements et aux communes.

Pour y parvenir il sanctionnerait financièrement les communes qui refuseraient d’inscrire leur action dans ces schémas, en leur refusant toutes subventions régionales et départementales.

Les sénateurs quant à eux pensent que ces conférences doivent être un lieu de dialogues entre les collectivités territoriales, qui pourront ensuite mettre en œuvres, si elles le souhaitent, des actions communes sous la forme de conventions.

Ce positionnement est soutenu sur tous les bancs du sénat, donc par notre groupe.

Aussi, il sera sans doute difficile de parvenir à un accord entre le sénat et les députés sur cette question, lors de la commission mixte paritaire dont je vous ai parlé parler.

Nous refusons cet encadrement de l’action publique, voulue par le gouvernement, avec les conférences territoriales, d’autant que cet encadrement est par ailleurs renforcé par la mise en place de chef de filât, attribué à certaines collectivités, dans certains domaines, leur conférant le pouvoir d’organiser l’action publique des autres niveaux et non de la coordonner comme nous l’aurions souhaité et que nous avons proposé.

Cette volonté de recentralisation, ou plutôt de concentration des pouvoirs locaux, avec les conférences territoriales et les chefs de filât se trouve encore renforcée, au niveau local, par le développement des intercommunalités, amorcé par la réforme Sarkozy et amplifiée avec ces textes. Pour renforcer cette concentration au niveau local ce texte s’appui sur une double action.

D’une part ces textes, surtout le troisième, renforcent les compétences transférées et transférables des communes vers leurs intercommunalités.

D’autre part, ils développent le nombre des intercommunalités les plus intégrées, telles les communautés urbaines qui pourront être créées dès 200 000 habitants au lieu de 400 000 actuellement.

Elles pourraient être au nombre de 42, au lieu des 17 actuelles, qui pour la plupart vont devenir des métropoles.

Par ailleurs les compétences obligatoires de ces communautés seront élargies.

Cette intégration communale forcées, que nous combattons, sera par ailleurs encore plus importante avec les Métropoles.

Créées par la loi de 2010, elles vont pouvoir, avec ce texte, être plus nombreuses et  auront des compétences beaucoup plus importantes.

Il s’agit en fait d’intercommunalités presque totalement intégrées, en tout cas beaucoup plus que ne le prévoyait la loi de Sarkozy, en 2010.

Ce faisant les communes de ces aires urbaines vont perdre l’essentiel de leurs pouvoirs d’intervention.

Cela va concerner près de 5000 communes et près de 30 millions d’habitants.

Enfin, par-delà le droit commun en faveur d’une intégration communale renforcée, ce texte met en place, par la loi, trois métropoles à statut particuliers à Paris, Lyon et Marseille.

La forme de Lyon, qui devient une collectivité de plein exercice, absorbant une partie du territoire du département du Rhône, est considérée comme la plus abouties et désignée comme étant l’exemple à suivre.

Enfin pour s’assurer que cette territorialisation de l’action publique et de concentration des pouvoirs n’entrainent pas des dépenses supplémentaires, le gouvernement laisse en l’état  le pouvoir fiscal réduit des collectivités territoriales et s’apprête à diminuer l’enveloppe globale des dotations de 1,5 milliard en 2014 et autant en 2015.

La ministre Escoffier vient même d’annoncer, en commission des finances de l’Assemblée, que cette réduction pourrait se poursuivre en 2016 et 2017. Si tel était le cas, ce ne sont plus 4,5 milliards qui seraient ponctionnés mais 15 milliards si les ponctions restaient de même niveau.

De plus vu l’accroissement du nombre d’intercommunalités avec la loi de 2010 et le changement de leur statut, puisque toutes deviennent des intercommunalités à fiscalité propre, et d’autre part vu l’augmentation du nombre de communautés d’agglomération, de communautés urbaines et de métropoles, la part des dotations d’intercommunalités va augmenter au sein de l’enveloppe globale.

D’autre part chacun sait qu’au nom de la solidarité, les dotations de péréquations tendent à augmenter.

Aussi en prenant tous ces paramètres, l’enveloppe globale des dotations diminuant, nous sommes assurés que les dotations de bases, versées aux communes, vont durablement et fortement baisser, réduisant toujours plus leur capacité d’intervention.

Enfin avec cette loi, le gouvernement introduit un nouveau paramètre dans le calcul des dotations, en introduisant un indice de mutualisation, pour soutenir financièrement cette démarche et mieux l’imposer aux communes.

Ce faisant, dans le domaine institutionnel, il pourra alors être fait ce qui a été fait avec de grands services publics pour les privatiser.

Il suffit de ne pas leur donner les moyens nécessaires pour se développer et répondre aux besoins des usagers, pour pouvoir ensuite remettre en cause leur pertinence et organiser leur disparition.

C’est une façon douce d’organiser l’évaporation des communes.

Mais c’est aussi une contrainte forte pour pousser les communes à transférer toujours plus de compétences à leur intercommunalité, avec les services et donc les personnels qui les gèrent.

C’est aussi un puissant motif pour les forcer à développer la mutualisation des services entre collectivités territoriales, car de ce point de vue tout va devenir possible.

Il ne s’agit pas seulement des services de compétences transférées, mais ceux gérant des missions supports.

Tout service pourra être mutualisé, y compris les états civils et les cimetières.

Par delà la perte que cela représentent en terme de services publics de proximité et donc de retrait au détriment des populations, nous avons dénoncé le plan sociale que cela représenterait en terme d’emploi public de proximité.

D’ailleurs un article voté à l’assemblée, adopté aussi au sénat, prévoit que les agents touchés par ses réorganisations qui se retrouveraient sans affectations seraient tenue de suivre les formations leur permettant de réorienter leurs carrières.

C’est bien la preuve qu’il y aura des agents dans cette situation.

D’autre part que vont devenir les contractuels dans ces bouleversements, ils seront sans aucun doute les premiers à perdre leur emploi.

Enfin combien de départ en retraite seront compensés ? peu sans doute.

D’autre part, autant dans la loi de 2010 que dans le texte du gouvernement d’aujourd’hui, nous avions obtenu que dans les cas de transferts de personnel, liés aux compétences transférées ou à l’occasion d’une mutualisation de service, les agents gardent leur régime indemnitaire.

Or, en deuxième lecture au sénat, le texte a été modifié sur cette question.

En effet, à la demande du sénateur Delebarre, le texte initial qui prévoyait que les agents, je cite : » conservent, s’ils y ont intérêt, le bénéfice du régime indemnitaire qui leur était applicable  » a été transformé par une mesure d’une tout autre nature qui prévoit dorénavant que les agents, je cite :  » bénéficient, à titre individuel, d’un maintien de rémunération, si leur régime indemnitaire était plus favorable « .

Ainsi on ne parle plus de reconnaissance de qualification, de compétences ou de fonction, liées aux régimes indemnitaires, mais de niveaux de salaires, avec si nécessaire une prime compensatrice, dont l’évolution n’est nullement prévue.

Certes la question salariale est essentielle pour les agents, mais la reconnaissance de leur qualification, de leur savoir faire et surtout de leur fonction est tout aussi important pour eux qui verront leur parcours professionnel bouleverser.

 

Voila de façon synthétique ce qui me semble être au cœur des enjeux de ce projet de loi et de ceux qui vont suivre.

Certes bien d’autres mesures vont aussi impacter l’action des communes, en particulier par exemple le développement des pôles métropolitains et la création de pôles ruraux.

Cependant et c’est notre principale critique sur la mise en place de ces pôles, les commune sont totalement ignorées dans les démarches de construction de ceux-ci.

Enfin, une mesure très importante a été introduite par le sénat dans ce texte et qui représente un risque  pour nos communes.

En effet la compétence  » Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations  » est transféré aux communes, qui les transféreront à leurs intercommunalités.

Ce point mériterait une intervention spécifique, que je ne peux faire ici.

Cependant si cette mesure est finalement adoptée, les élus et les futurs élus devront aller voir de plus près ce qu’il en est.

 

Voila, il me semble que je vais fais le tour de ce projet de loi mais si vous le permettez je vais vous présenter un peu plus précisément les aspects de la loi concernant les métropoles, puisque la communauté d’agglomération de Rouen pourrais le devenir.

D’abord donc pour devenir une métropole il faut être une intercommunalité de 400 000 habitants au moins et être inscrit dans une aire urbaine définie par l’INSEE de 650 000 habitants.

Ou bien être une interco de 400 000 habitants ayant en son sein  un chef lieu de région ou être au centre d’une zone d’emploi de plus de 400 000 habitants.

Ensuite la création d’une métropole est prononcée par décret, et ce sans limitation de durée.

Pour cette création il faut dit le texte du sénat qu’une majorité se soit exprimée  après consultation des conseils municipaux des communes membres de l’interco existante.

Le groupe CRC a proposé d’ajouter après consultation de la population.

Mais le gouvernement et l’assemblée souhaitent que ce soit une transformation automatique des intercos existantes, qui satisfont aux critères définis par la loi.

Nous sommes bien sûr d’autant plus contre cette automaticité.

Les compétences de ces intercos seront très importantes. En dresser la liste ici serait fastidieux, il y en a trois pages.

Mais il faut savoir que si des agglos comme celle de Rouen, par exemple, gèrent déjà un grand nombre de compétences, elles le font pour l’essentiel à partir de la définition de leur intérêt communautaire.

Or cette fois, dans une métropole, ce n’est plus le cas.  Ce sont l’ensemble des compétences communales, de les domaines définis, qui remontent à la métropole, sauf quelques exceptions comme la réalisation et la construction d’équipements sportifs.

Mais par exemple la création l’aménagement et l’entretien de toute la voirie du territoire remonte à la métropole, tout comme toutes les politiques publiques dans le domaine du logement, ou les politiques de la ville

Par ailleurs l’Etat pourra déléguer à la métropole la quasi-totalité de ses compétences en matière de logement.

Les départements devront transmettre aux métropoles un certain nombre de leur compétence, dont certaines relavant de leur action sociale et les régions pourront elles aussi passer convention avec les métropoles pour leur transférer certaines compétences.

En matière d’organisation démocratique, la métropole est dirigée par un Conseil métropolitain représentant les communes membres, suivant les normes de représentation définie pour les intercos par la loi de 2010.

Le gouvernement a proposé qu’à partir de 2020 les conseillers métropolitains puissent être en partie élus au suffrage universel direct. Le sénat a rejeté cette mesure. Mais on ne sait pas si l’assemblée ne va pas la rétablir

Le Conseil métropolitain élira en son sein son président et ses vice-présidents et installera une commission permanente au scrutin de liste.

Une conférence métropolitaine sera, par ailleurs, créée.

Présidé par le président du Conseil de la métropole cette conférence métropolitaine réunira les maires des communes membres, au moins deux fois par an.

Enfin un conseil de développement sera installé auprès de la métropole.

Voici donc à grand trait le cadre juridique des métropoles.

En m’excusant d’avoir été trop long, je me permettrais de terminer sur une note d’optimisme.

 

En effet après tout ce que je viens de transcrire de ce que sera le cadre futur de l’action municipale, on peut se dire qu’il ne va pas rester grand-chose à nos élus pour agir en faveur des besoins et des attentes des populations qu’il représente.

En tout cas tel est bien l’objectif recherché.

Mais d’abord l’histoire n’est jamais écrite d’avance, et la mise en œuvre de cette politique sera difficile.

Beaucoup, par delà notre sensibilité s’interrogent, pour le moins, sur les objectifs recherchés et les conséquences.

Le congrès de l’AMF, qui vient de se tenir, en porte témoignage.

Par ailleurs les conditions de mise en œuvre écrites dans la loi, c’est une chose, leur application en est une autre.

Même si l’espace d’intervention se réduit, il existe encore des possibles, s’appuyant sur notre démarche politique en faveur du développement de l’intervention citoyenne.

Suivant le principe qui veut que, ce qui n’est pas interdit est autorisé, alors un espace d’intervention s’ouvre pour mobiliser les citoyens et faire jouer au élus locaux le rôle que l’on souhaite leur voir jouer, en matière de résistance et de rassemblement, pour défendre les intérêts de leur population et de leur territoire.

C’est, me semble-t-il, ce qui est à l’ordre du jour de votre rencontre d’aujourd’hui.

Aussi j’espère vous avoir été utile.

Merci de votre attention.

 

Collectif

Laisser un commentaire